« Bibliothèque numérique et intelligence collective » (2 | 2021)

Appel à textes

Pagaille, « Bib­lio­thèque numérique et intel­li­gence col­lec­tive : la révo­lu­tion numérique est-elle le sacre des “human­ités” ? », n° 2, 2021

Pour les études lit­téraires, le numérique con­stitue un nou­veau con­ti­nent que la cri­tique doit à présent explor­er voire con­quérir. Incar­na­tion post­mod­erne de la bib­lio­thèque de Babel, le monde numérique mêle la diver­sité des langues humaines à la mul­ti­plic­ité des for­mats infor­ma­tiques (lan­gages de pro­gram­ma­tion, interopéra­bil­ité des logi­ciels, for­mats de fichiers, etc.). Ce boule­verse­ment tech­nologique provoque une évo­lu­tion du statut du texte, ain­si que de la fonc­tion auteur. Une redéf­i­ni­tion des principes d’auc­to­ri­al­ité hérités du marché du livre occi­den­tal s’im­pose. Dans quelle mesure cela trans­forme-t-il les modal­ités selon lesquelles s’in­ter­prè­tent les œuvres ? N’est-il pas temps de con­stituer un com­para­tisme trans­mé­di­a­tique afin de renou­vel­er les cadres théoriques de l’interprétation des textes ?

L’enjeu de ce numéro est de porter un regard cri­tique sur les principes sci­en­tifiques aux fonde­ments des out­ils numériques sus­cep­ti­bles d’être employés dans le cadre de la recherche en let­tres et sci­ences humaines. Cette pub­li­ca­tion fait suite à la journée d’études sur le même sujet qui a eu lieu en juin 2019 à l’Université Paris Nan­terre.

Les propo­si­tions d’articles pour­ront s’in­scrire dans un ou plusieurs des trois axes suiv­ants, sans néces­saire­ment s’y limiter.

Le numérique est-il le rêve des humanités ?
  • Le con­cept d’human­ités, de la Renais­sance au romantisme

Dans un souci de diachronie, il paraît prof­itable de revenir sur l’his­toire des notions d’human­ités et d’human­isme à tra­vers les grands mou­ve­ments artis­tiques et philosophiques. Cela per­me­t­tra notam­ment d’esquisser une archéolo­gie des usages de ce terme d’human­ités qui con­naît un véri­ta­ble regain théorique à tra­vers la dif­fu­sion de l’expression  d’« human­ités numériques » .

  • La con­cep­tu­al­i­sa­tion prob­lé­ma­tique d’un « human­isme numérique »

Le retour en force de la notion d’human­ités au moment du pas­sage à l’ère numérique char­rie avec lui les impen­sés de l’idéolo­gie human­iste, déjà prég­nante au sein de la cul­ture du Livre. Les cul­tur­al stud­ies, au pre­mier rang desquelles la théorie post­colo­niale, n’ont eu de cesse d’in­ter­roger les car­ac­téris­tiques de cet « humain »  tant van­té par les human­ités. En cela, les human­ités numériques représen­tent-elles réelle­ment un nou­v­el idéal du savoir ? Sont-elles en mesure d’« human­is­er » le numérique ? Ne con­stituent-elles pas au con­traire la réin­car­na­tion 2.0 d’un vieil humanisme ?

Comment le texte numérique s’interprète-t-il ?

Frag­men­ta­tion du texte et dis­tant read­ing : Con­traire­ment au texte numérisé (qui con­serve les pro­priétés d’or­gan­i­sa­tion du médi­um papi­er), le texte numérique se car­ac­térise par sa dimen­sion frag­men­taire, sup­posant de nou­veaux modes inter­pré­tat­ifs. Les bib­lio­thèques numériques n’obéissent pas aux mêmes principes que leurs illus­tres prédécesseures, ne serait-ce qu’en rai­son de la trans­for­ma­tion des manières de lire, de rechercher et de con­sul­ter des ouvrages. Dans la lignée des travaux récents autour de la matéri­al­ité du sup­port, il s’a­gi­ra de s’in­ter­roger sur les enjeux théoriques de cette muta­tion des pra­tiques de lecture.

Les humanités ne servent-elles qu’à transmettre et à conserver ?
  • La folk­sonomie, ou l’in­dex­a­tion hor­i­zon­tale au ser­vice de l’intelligence collective

Asso­cié à l’avène­ment du Web 2.0, qui se veut plus par­tic­i­patif que ne l’é­tait le Web 1.0, le principe de la folk­sonomie s’est propagé sur l’ensem­ble d’Internet. De Face­book à Twit­ter en pas­sant par Youtube, les hash­tags et autres éti­quettes se sont imposés pour le référence­ment des don­nées. Dès lors, com­ment la recherche sci­en­tifique peut-elle, à son tour, faire de cette forme d’intelligence col­lec­tive un nou­veau lan­gage de pro­duc­tion de savoir ?

  • Sub­ver­sives ou « dis­rup­tives»  ? Les human­ités numériques à l’épreuve de la start-up nation

Les facil­ités de partage per­mis­es par le numérique pour­raient laiss­er espér­er une démoc­ra­ti­sa­tion de l’ac­tiv­ité inter­pré­ta­tive, elle-même liée à un accès facil­ité aux textes et aux ressources. Le fonc­tion­nement de cette bib­lio­thèque numérique qu’est Inter­net serait cen­sé per­me­t­tre la réal­i­sa­tion de l’idéal d’une intel­li­gence col­lec­tive au ser­vice du bien com­mun, et de l’avancée des savoirs. En effet, la struc­tura­tion des com­mu­nautés inter­pré­ta­tives en fan­doms, espaces d’érudition et de créa­tiv­ité mêlés, ne des­sine-t-elle pas une nou­velle médi­apoli­tique des savoirs ? Des forums de dis­cus­sion aux blogs per­son­nels, il sem­blerait que l’on assiste à un détourne­ment des hiérar­chies usuelles asso­ciées à une vision éli­tiste du savoir. Mais, dans le même temps, quel human­isme voir dans les poli­tiques com­mer­ciales des géants du Web, de ces fameux GAFA dont les choix influ­ent sur la vis­i­bil­ité des corpus ?

Modalités de soumission
  • Les propo­si­tions d’articles entre 3000 et 5000 signes, accom­pa­g­nées d’une bio-bib­li­ogra­phie et de 5 mots-clés, sont à envoy­er avant le 15 jan­vi­er 2020 à l’adresse mail suiv­ante : contact[at]revue-pagaille.fr
  • Les noti­fi­ca­tions aux auteurs seront envoyées à par­tir de fin jan­vi­er 2020.
  • L’article (de 35 000 à 45 000 signes espaces com­pris) sera à envoy­er début juin 2020 pour éval­u­a­tion en dou­ble aveu­gle par le comité scientifique.
  • La pub­li­ca­tion du numéro est prévue en juin 2021 sur le site de la revue.
Comité scientifique
  • Michel Bernard (Uni­ver­sité Sorbonne-Nouvelle)
  • Bap­tiste Bohet (Uni­ver­sité Sorbonne-Nouvelle)
  • Yvan Daniel (Uni­ver­sité Clermont-Auvergne)
  • Milad Douei­hi (Uni­ver­sité Paris Sorbonne)
  • Gaëlle Debeaux (Uni­ver­sité Rennes 2)
  • Alexan­dre Gefen (CNRS)
  • Anaïs Guilet (Uni­ver­sité Savoie Mont Blanc)
  • Math­ieu de la Gorce (Uni­ver­sité Paris Nanterre)
  • Serge Linkès (Uni­ver­sité de La Rochelle)
  • Alain San­dri­er (Uni­ver­sité de Caen)
  • Julien Schuh (Uni­ver­sité Paris Nanterre)
Bibliographie indicative

BARTSCHERER, Thomas et COOVER, Rod­er­ick (dir.), Switch­ing Codes: Think­ing Through Dig­i­tal Tech­nol­o­gy in the Human­i­ties and the Arts, Chica­go, Uni­ver­si­ty of Chica­go Press, 2011

BERNARD, Michel et BOHET, Bap­tiste, Lit­térométrie. Out­ils numériques pour l’analyse des textes lit­téraires, Paris, Press­es de la Sor­bonne Nou­velle, 2017

BERRY, David M. (dir.), Under­stand­ing Dig­i­tal Human­i­ties, Houndmills/New York, Pal­grave Macmil­lan, 2012

CITTON, Yves, « Human­ités numériques. Une médi­apoli­tique des savoirs encore à inven­ter »  dans Mul­ti­tudes, vol. 59, n° 2, 2015, p. 169–180 <https://www.cairn.info/revue-multitudes-2015–2‑page-169.html>

CITTON, Yves, Médi­archie, Paris, Seuil, 2017

CITTON, Yves et JULIEN-SAAVEDRA,  Quentin (trad.), « Man­i­feste pour des human­ités numériques 2.0 »  dans Mul­ti­tudes, vol. 59, n° 2, 2015, p. 181–195 <https://www.cairn.info/revue-multitudes-2015–2‑page-181.htm>

DOUEIHI, Milad, « Quelles human­ités numériques ? »  dans Cri­tique, n° 819–820, 2015, p. 704–711 <https://www.cairn.info/revue-critique-2015–8‑page-704.htm>

DOUEIHI, Milad, Pour un human­isme numérique, Paris, Seuil, 2011

GEFEN, Alexan­dre, « Les enjeux épisté­mologiques des human­ités numériques »  dans Socio, n° 4, 2015 <http://journals.openedition.org/socio/1296>

GEFEN, Alexan­dre, « Des human­ités numériques en 2017 » dans Mélanges de la Casa de Velázquez, vol. 47, n° 2, 2017, p. 315–318 <https://journals.openedition.org/mcv/7957>

GOODWIN, Jonathan et HOLBO, John, Read­ing Graphs, Maps, Trees: Respons­es to Fran­co Moret­ti,  Ander­son, Par­lor Press, 2011

HAYLES, N. Kather­ine,  Lire et penser en milieux numériques : atten­tion, réc­its, techno­genèse, trad. Christophe Degoutin, Greno­ble, ELLUG, 2016

HAYLES, N. Kather­ine et PRESSMAN, Jes­si­ca (dir.), Com­par­a­tive Tex­tu­al Media: Trans­form­ing the Human­i­ties in the Post­print Era, Minneapolis/London, Uni­ver­si­ty of Min­neso­ta Press, 2013

MORETTI, Fran­co, Graphs, Maps, Trees: Abstract Mod­els for a Lit­er­ary His­to­ry, Lon­don, Ver­so, 2005

MORETTI, Fran­co, Dis­tant Read­ing, Lon­don, Ver­so, 2013

MOUNIER, Pierre, Les Human­ités numériques : une his­toire cri­tique, Paris, Édi­tions de la Mai­son des sci­ences de l’homme, 2018

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STIEGLER, Bernard (dir.), Dig­i­tal stud­ies : organolo­gie des savoirs et tech­nolo­gies de la con­nais­sance, Limoges/Paris, FYP/IRI, 2014