Bérengère Darlison, « Convoquer le patrimoine en littérature: déplorer, commémorer, sauvegarder » (n° 3 | 2024)

Résumé/Abstract
Cet arti­cle pro­pose d’envisager le pat­ri­moine archi­tec­tur­al comme le lieu d’une cristalli­sa­tion des dis­cours nos­tal­giques, idéal­isant un âge d’or per­du. Qua­tre Mémoires fic­tifs (œuvres de fic­tion reprenant les thèmes et l’ethos tra­di­tion­nels des Mémoires référen­tiels) met­tent en scène des pro­tag­o­nistes soucieux de préserv­er l’état du monde qu’ils ont con­nu dans leur jeunesse et artic­u­lent cette analyse autour de ques­tions de préser­va­tion ou de réha­bil­i­ta­tion du pat­ri­moine :Brideshead Revis­it­ed de Eve­lyn Waugh, Mémoires d’Hadrien de Mar­guerite Yource­nar, The Remains of the Day de Kazuo Ishig­uro et Le Grand Cœur de Jean-Christophe Rufin. Néan­moins, à mesure que l’on s’éloigne de la Sec­onde Guerre mon­di­ale d’une part et plus l’écart tem­porel entre l’époque où prend place l’intrigue et celle où l’auteur écrit est grand d’autre part, il sem­blerait que l’on entende égale­ment un dis­cours plus opti­miste, plus pro­gres­siste. En fin de compte, on peut émet­tre l’hypothèse que les Mémoires devi­en­nent un nou­veau mon­u­ment. À l’image du palais de Jacques Cœur, ces romans font mémoire du passé, plon­gent le lecteur dans des épo­ques révolues avec tout ce qu’elles com­por­taient de promess­es, accom­plies ou non, mais se tour­nent résol­u­ment vers l’avenir en se faisant d’abord tombeau lit­téraire de ce monde dis­paru puis en trans­met­tant à la postérité les impres­sions lais­sées par les bâti­ments, les ves­tiges archi­tec­turaux sur les personnages.

Sum­mon­ing her­itage in lit­er­a­ture: lament­ing, com­mem­o­rat­ing, preserving
This paper looks at archi­tec­tur­al her­itage as a con­text for the crys­talli­sa­tion of nos­tal­gic dis­cours­es, ide­al­is­ing a lost gold­en age. Four fic­tion­al mem­oirs (works of fic­tion that take up the tra­di­tion­al themes and ethos of ref­er­en­tial mem­oirs) fea­ture pro­tag­o­nists con­cerned with pre­serv­ing the state of the world they knew in their youth, and artic­u­late this analy­sis around ques­tions of her­itage preser­va­tion or reha­bil­i­ta­tion: Brideshead Revis­it­ed by Eve­lyn Waugh, Mémoires d’Hadrien by Mar­guerite Yource­nar, The Remains of the Day by Kazuo Ishig­uro and Le Grand Coeur by Jean-Christophe Rufin. How­ev­er, the fur­ther we move away from the Sec­ond World War and the greater the time gap between the peri­od in which the plot takes place and the peri­od in which the author is writ­ing, it would seem that we can also hear a more opti­mistic, more pro­gres­sive dis­course. Ulti­mate­ly, we can spec­u­late that the mem­oirs them­selves become a new mon­u­ment. Like Jacques Coeur’s palace, these nov­els remem­ber the past, plunge the read­er into bygone eras with all their promise, whether ful­filled or not, but they look res­olute­ly to the future, first becom­ing the lit­er­ary tomb of a van­ished world and then pass­ing on to pos­ter­i­ty the impres­sions left on the char­ac­ters by the build­ings and archi­tec­tur­al remains.
Citer
Bérengère Darli­son, « Con­vo­quer le pat­ri­moine en lit­téra­ture: déplor­er, com­mé­mor­er, sauve­g­arder », dans Pagaille, n°3, « Rétro­topies ou l’idéal­i­sa­tion du passé », 2024, p. 75–84. Url : https://revue-pagaille.fr/2024–3‑darlison/

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