Andréa Léri, « Travailleuses et femmes du peuple au théâtre : des femmes laides et insignifiantes ? » (n° 2 | 2022)

Résumé
Dans Yvonne, Princesse de Bour­gogne de Gom­brow­icz, Les Bonnes de Genet, La Mai­son de Bernar­da Alba de Gar­cía Lor­ca ou dans Roméo et Juli­ette de Shake­speare, les femmes tra­vailleuses, gou­ver­nantes, domes­tiques ou autres nour­rices, sont sou­vent con­sid­érées comme « insignifi­antes » et sans valeur sociale. Véri­ta­bles per­son­nages de l’ombre dans la fic­tion théâ­trale, générale­ment annex­es dans la fable dra­ma­tique, leur déclasse­ment social favorise le mépris des per­son­nages issus des élites. Jugés et représen­tés comme « laids », con­sid­érés comme d’une autre espèce, les per­son­nages de tra­vailleuses sont égale­ment rejetés et humil­iés par la gent mas­cu­line qui ne tire, à leur vue, que peu de plaisir. Sans pou­voir pré­ten­dre au statut de per­son­nages sec­ondaires, ces femmes sont donc réduites à l’état de « tierces », exclues du monde des hommes, de celui des autres femmes, et donc de la « féminité ». Si la laideur, car­ac­téris­tique socio-esthé­tique typ­ique de la « tierce », sig­ni­fie sa relé­ga­tion, cela lui per­met en par­tie d’échapper à l’assignation et de sub­ver­tir l’ordre dom­i­nant. Sa laideur peut la met­tre à l’abri des grands drames de la fable lui lais­sant, à loisir, le temps de cul­tiv­er une pen­sée cri­tique. Elle per­met égale­ment d’opérer un trou­ble dans le genre afin d’interroger l’économie hétéro­sex­uelle et déré­gler les règles du genre, de la fable et de la représentation.
Citer
Andréa Léri, « Tra­vailleuses et femmes du peu­ple au théâtre : des femmes laides et insignifi­antes ? », dans Pagaille, n°2, « Les per­son­nages de l’om­bre dans la lit­téra­ture et les arts », 2022, p.105–117. Url : https://revue-pagaille.fr/2022–2‑leri/



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