Michael Wilhelm, « Caput nili de Richard Kandt, une rétrotopie méandreuse » (n° 3 | 2024)

Résumé / Abstract
La source du Nil est un lieu qu’on a longtemps cher­ché à attein­dre, mais qui s’est dérobé aux explo­rateurs. C’est une rétro­topie : un lieu auquel on retourne sans cesse et qui se retire à mesure qu’on avance. En même temps, ce qu’on dit de ce lieu, les légen­des dont on l’entoure, en font un des plus anciens rétro­to­pos : un lieu com­mun qu’on ne cesse de raviv­er. Caput Nili de Richard Kandt, médecin et explo­rateur alle­mand de la fin du XIXe siè­cle, doc­u­mente cette quête de la source du Nil et en con­firme la nature rétro­topique. Il y a plus : pour légitimer sa fas­ci­na­tion pour les Tut­sis (et son indif­férence envers les Hutus), Richard Kandt iden­ti­fie les Tut­sis aux cheva­liers du Moyen-Âge européen et fait du Rwan­da un autre lieu où on retrou­verait quelque chose de l’Europe du Moyen-Âge, où on reviendrait en arrière : une hétérorétropie. Enfin, l’écriture même de Richard Kandt peut être deux fois qual­i­fiée de rétro­topique. D’abord parce qu’à l’image de l’ex­plo­ration plutôt monot­o­ne, qui tra­verse les mêmes paysages et les mêmes sit­u­a­tions, elle est répéti­tive et que le lecteur lit plusieurs fois qua­si­ment la même chose. Ensuite, parce qu’autour d’une sit­u­a­tion d’énonciation à laque­lle il revient tou­jours, l’auteur mul­ti­plie les analepses et les prolepses.

Caput Nili de Richard Kandt, a mean­der­ing retrotopia
The source of the Nile is a place that peo­ple have long sought to reach, but which has elud­ed explor­ers. It’s a retro­topia: a place to which we return again and again, and which retreats as we go. At the same time, what is said about this place, the leg­ends that sur­round it, make it one of the old­est retro­to­pos: a com­mon­place that is con­stant­ly revived. Ger­man physi­cian and explor­er Richard Kandt’s Caput Nili from the late 19th cen­tu­ry doc­u­ments this quest for the source of the Nile and con­firms its retro­topic nature. And there’s more: to legit­imize his fas­ci­na­tion with the Tut­sis (and his indif­fer­ence to the Hutus), Richard Kandt iden­ti­fies the Tut­sis with the knights of the Euro­pean Mid­dle Ages, and turns Rwan­da into anoth­er place where we find some­thing of the Europe of the Mid­dle Ages, where we go back in time: a het­eroretropy. Final­ly, Richard Kandt’s writ­ing itself can be described as retro­topic in two ways. First­ly, because the rather monot­o­nous explo­ration of the same land­scapes and sit­u­a­tions is repet­i­tive, and the read­er reads vir­tu­al­ly the same thing over and over again. Sec­ond­ly, because the author mul­ti­plies analepses and pro­lepses around an enun­ci­a­tion sit­u­a­tion to which he always returns.
Citer
Michael Wil­helm, « Caput nili de Richard Kandt, une rétro­topie méan­dreuse » (n° 3 | 2024) dans Pagaille, n°3, « Rétro­topies ou l’idéal­i­sa­tion du passé », 2024, p. 14–26. Url : https://revue-pagaille.fr/2024–3‑wilhelm/

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