Résumé
Cet article interroge les présupposés théoriques d’un courant de la littérature post-apocalyptique au sein duquel la disparition des hominidés représente l’unique horizon d’attente vers lequel serait susceptible de déboucher l’évolution des sociétés actuelles. Il se réfère à ces œuvres comme à des « récits catastrophistes à la violence inéluctable » afin de mettre l’accent sur le lien qui se tisse implicitement entre les deux fatalités que représentent d’une part l’accomplissement inévitable de la catastrophe qui marquerait la fin de l’Anthropocène et de l’autre, la brutalité inhérente des comportements humains. Son analyse s’appuie sur deux études de cas tirées de la littérature contemporaine d’expression française, soit La possibilité d’une île de Michel Houellebecq (2005) et Oscar de Profundis de Catherine Mavrikakis (2016), dont la structure narrative témoigne d’un certain nombre de caractéristiques communes. Dans ces univers romanesques, la notion de singularité est problématique, dans la mesure où il n’existe pas véritablement d’individus susceptibles d’échapper au destin de leur espèce ou de leur collectivité. Le parcours des protagonistes, auxquels la richesse et la célébrité confèrent a priori un statut exceptionnel, ne représente en fin de compte qu’une incarnation possible des observations sociologiques et anthropologiques qui imprègnent fortement le discours des narrateurs, et qui sont destinées à être porteuses d’une vérité générale à propos de la nature humaine.
Citer
Miruna Craciunescu, « De la violence naturelle à la nature des violences contemporaines. Considérations sur les présupposés théoriques des fictions catastrophismes », dans Pagaille, n° 1, « Marâtre nature. Quand Gaïa contre-attaque », 2021, p. 57–66. Url : http://revue-pagaille.fr/2021–1‑craciunescu/