Résumé
Eleutheria de Samuel Beckett, La Leçon d’Eugène Ionesco et les Entrées clownesques de Tristan Rémy nous présentent trois figures comiques qui semblent, en apparence, jouer un rôle secondaire dans l’intrigue générale. En effet, ces trois figures de l’ombre n’ont, auprès des autres personnages, qu’une position subalterne : un valet de chambre auprès d’un couple fantasque et autoritaire, une Bonne qui est en charge de l’organisation de la leçon donnée par le Professeur et un régisseur de piste dont la principale fonction est d’introduire les clowns auprès du public. Tous trois sont le plus souvent soumis voire humiliés par les personnages qui les entourent et qui ont confisqué le pouvoir. Difficile de croire que ces trois personnages puissent avoir une autre fonction que celle d’un personnage de l’arrière-plan. Pourtant, la dimension farcesque de ces trois œuvres témoigne d’un renversement presque carnavalesque dans la mesure où les rapports de force changent progressivement de camp. Ainsi le valet acquiert un statut essentiel auprès de son maître, lui apportant un soutien presque paternel, la Bonne permet au Professeur de se sortir d’une situation plus que délicate et Monsieur Loyal n’est plus seulement annonciateur, il devient le véritable orchestrateur du numéro de clowns. L’autorité se déplace alors et la lumière aussi : par cet habile procédé d’inversion, nos personnages semblent donc véritablement sortir de l’ombre.
Citer
Marjorie Colin, « Des pitres entre ombre et lumière », dans Pagaille, n° 2, « Les personnages de l’ombre dans la littérature et les arts », 2022, p. 76–84. Url : http://revue-pagaille.fr/2022–2‑colin/