Résumé
Si les espaces auxquels les titres Les Enfants du paradis et Zazie dans le métro font référence
apparaissent de prime abord comme opposés, ils ont en commun de dessiner une marge a priori destinée à rester dans l’ombre. De fait, les deux films s’intéressent aux classes populaires qui peuplent les rues, mendiant aveugle, taximan, cordonnier. Les deux films font la part belle aux personnages de deuxième voire de troisième plan, mettant en scène d’une part la foule et de l’autre des personnages solitaires, singularisés intervenant ponctuellement, qui n’ont pas de fonction pour l’intrigue mais auxquels sont consacrées une ou plusieurs séquences donnant une dimension poétique au film. Néanmoins, si les deux œuvres s’intéressent au petit peuple de Paris, la foule des badauds et le public du paradis, leurs perspectives ne sont pas similaires. En 1945, le film de Carné et Prévert a vocation à offrir une rédemption collective qui réhabilite certaines figures marginales sans pour autant endosser un message politique ; alors qu’en 1960, Louis Malle présente un jeu virtuose sur la remise en question du personnage cinématographique qui prolonge les innovations romanesques de Queneau. L’article propose donc de confronter les deux œuvres cinématographiques pour comprendre comment le traitement singulier des personnages secondaires met en évidence plusieurs enjeux à la fois thématiques et poétiques : comment ces deux œuvres s’inscrivent-elles dans un héritage littéraire et cinématographique en s’intéressant à des personnages de l’ombre, tout en en proposant un traitement singulier ? Comment dans ces œuvres certains personnages secondaires sont-ils mis en lumière précisément parce qu’ils incarnent des figures de l’ombre, se distinguant puis disparaissant dans la foule? Comment ces personnages, qui s’avèrent à la fois marginaux et fascinants, invitent- ils alors à s’interroger sur le rapport de l’individu au groupe, sur la tension entre singularité et interchangeabilité qui fonde la construction de l’identité ?
apparaissent de prime abord comme opposés, ils ont en commun de dessiner une marge a priori destinée à rester dans l’ombre. De fait, les deux films s’intéressent aux classes populaires qui peuplent les rues, mendiant aveugle, taximan, cordonnier. Les deux films font la part belle aux personnages de deuxième voire de troisième plan, mettant en scène d’une part la foule et de l’autre des personnages solitaires, singularisés intervenant ponctuellement, qui n’ont pas de fonction pour l’intrigue mais auxquels sont consacrées une ou plusieurs séquences donnant une dimension poétique au film. Néanmoins, si les deux œuvres s’intéressent au petit peuple de Paris, la foule des badauds et le public du paradis, leurs perspectives ne sont pas similaires. En 1945, le film de Carné et Prévert a vocation à offrir une rédemption collective qui réhabilite certaines figures marginales sans pour autant endosser un message politique ; alors qu’en 1960, Louis Malle présente un jeu virtuose sur la remise en question du personnage cinématographique qui prolonge les innovations romanesques de Queneau. L’article propose donc de confronter les deux œuvres cinématographiques pour comprendre comment le traitement singulier des personnages secondaires met en évidence plusieurs enjeux à la fois thématiques et poétiques : comment ces deux œuvres s’inscrivent-elles dans un héritage littéraire et cinématographique en s’intéressant à des personnages de l’ombre, tout en en proposant un traitement singulier ? Comment dans ces œuvres certains personnages secondaires sont-ils mis en lumière précisément parce qu’ils incarnent des figures de l’ombre, se distinguant puis disparaissant dans la foule? Comment ces personnages, qui s’avèrent à la fois marginaux et fascinants, invitent- ils alors à s’interroger sur le rapport de l’individu au groupe, sur la tension entre singularité et interchangeabilité qui fonde la construction de l’identité ?
Citer
Barbara Servant, « Du métro au paradis : mettre en lumière des figures de l’ombre. Les Enfants du paradis et Zazie dans le métro », dans Pagaille, n°2, « Les personnages de l’ombre dans la littérature et les arts », 2022, p.127–136. Url : https://revue-pagaille.fr/2022–2‑servant/