Loïse Lelevé, « Rétrotopies, hétérotopies et utopies: politiques du simulacre chez Julian Barnes et Fanny Taillandier » (n° 3 | 2024)

Résumé / Abstract
Dans Eng­land, Eng­land, Julian Barnes crée une rétro­topie fic­tive pour ques­tion­ner les poli­tiques nation­al­istes du Roy­aume-Uni con­tem­po­rain : le parc à thème éponyme con­cen­tre tous les clichés de la poli­tique de l’heritage tory, et fonc­tionne comme un sim­u­lacre géant qui finit par sup­planter l’Angleterre réelle. À l’inverse, dans Les État et empires du Lotisse­ment Grand Siè­cle , c’est la fic­tion­nal­i­sa­tion d’un espace réel, Lésigny, par Fan­ny Tail­landi­er, qui per­met de l’exhiber comme une rétro­topie en acte, pour inter­roger les fonde­ments poli­tiques con­ser­va­teurs et coerci­tifs des cités pavil­lon­naires. Dans les deux romans, les écrits de Debord et de Bau­drillard sur le Spec­ta­cle et le sim­u­lacre nour­ris­sent la pen­sée des auteurs sur ces espaces faux mais heuris­tiques : dans l’oscillation de ceux-ci entre hétéro­topie, utopie et rétro­topie sem­ble se jouer une pen­sée cri­tique pro­pre­ment fic­tion­nelle de la représen­ta­tion con­tem­po­raine des class­es moyennes et des logiques illibérales des lieux qui leurs sont asso­ciés. Par­al­lèle­ment, leur cri­tique du sim­u­lacre fait la part du faux manip­u­la­toire et de la fic­tion heuris­tique, de la cré­dulité et de la croy­ance. La poé­tique rétro­topique s’y fait ain­si défense des pou­voirs cri­tiques et poli­tiques de la fiction.

Retro­topias, het­ero­topias and utopias: the pol­i­tics of sim­u­lacra in Julian Barnes and Fan­ny Taillandier 
In his book Eng­land, Eng­land, Julian Barnes forges a fic­tion­al retro­topia to ques­tion nation­al­is­tic pol­i­tics with­in con­tem­po­rary UK: his epony­mous theme park gath­ers all the clichés of tory her­itage pol­i­tics, and func­tions as a giant sim­u­lacrum that ends up replac­ing the real Eng­land. Con­verse­ly, in Les État et empires du Lotisse­ment Grand Siè­cle, Fan­ny Tail­landi­er fic­tion­al­izes a real place, Lésigny, to reveal it as an actu­al retro­topia, and thus show­cas­es the con­ser­v­a­tive and coer­cive foun­da­tions of sub­ur­ban pri­vate hous­ing devel­op­ment. In both nov­els, Baudrillard’s and Debord’s works on Spec­ta­cle and sim­u­lacrum inform the authors’ elab­o­ra­tion of those false but heuris­tic spaces: in their oscil­la­tion between het­ero­topia, utopia and retro­topia resides a specif­i­cal­ly fic­tion­al cri­tique of main­stream con­tem­po­rary rep­re­sen­ta­tions of the mid­dle class­es, and of the illib­er­al pol­i­tics inher­ent to the places they are com­mon­ly asso­ci­at­ed with. Simul­ta­ne­ous­ly, their demys­ti­fi­ca­tion of the sim­u­lacrum enables them to dis­tin­guish between the mis­lead­ing fake and the enlight­en­ing fic­tion, and creduli­ty and belief. Their retro­topi­cal poet­ics thus func­tions as a defense of the polit­i­cal and ana­lyt­i­cal pow­ers of fiction.

Citer
Loïse Lelevé, « Rétro­topies, hétéro­topies et utopies: poli­tiques du sim­u­lacre chez Julian Barnes et Fan­ny Tail­landi­er », dans Pagaille, n°3, « Rétro­topies ou l’idéal­i­sa­tion du passé », 2024, p. 27–37. Url : https://revue-pagaille.fr/2024–3‑leleve/

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