Résumé
Les pères ne sont que des figures de l’ombre dans la fable ovidienne de Pyrame et Thisbé. Tout juste évoqués dans le texte latin, ils demeurent anonymes et talonnés par un pluriel persistant. Leurs contours sont flous, ils semblent interchangeables, quasi- négligeables. Se décline dès le texte source un décalage saisissant entre leur incarnation textuelle ténue et leur rôle décisif. À y regarder de plus près, leur présence s’avère réfractée par les éléments topographiques qui incarnent la loi du père. Hissés au rang de personnages secondaires dans différentes œuvres littéraires et iconographiques, ils oscillent entre un rôle antagoniste chargé d’ironie dramatique et un statut de victimes tragiques qui décuple le pathos de la fable. Une forme d’incomplétude subsiste néanmoins : leur incarnation induit une déflation du couple central et, par extension, menace l’essence-même du mythe des amours contrariées. Leur degré de présence ou d’absence à l’œuvre est incontestablement référentiel, suivant les transformations socio- historiques de la figure du père. Ils tendent à disparaître des résurgences modernes, dupliquant le déclin du patriarcat. A contrario, leur disparition dévide le mythe de sa substance: leur carence d’incarnation s’avère essentielle au mythe qui appelle l’ombre au tableau ou au texte.
Citer
Aurore Labbé, « “Si leurs pères ne les en avaient empêchés”: le rôle des pères dans le mythe de Pyrame et Thisbé et ses résurgences », dans Pagaille, n°2, « Les personnages de l’ombre dans la littérature et les arts », 2022, p.95–105. Url : https://revue-pagaille.fr/2022–2‑labbe/