Résumé
Le succès récent du livre de l’écrivaine autrichienne Marlen Haushofer, Le Mur invisible [Die Wand], réédité chez Actes Sud, étonne tout autant qu’il se fait le révélateur de notre société actuelle sensible à la fois à l’écologie et aux notions de genres : deux thèmes qu’aborde cet ouvrage publié en 1963 et depuis lors tombé dans l’oubli. Oscillant entre tension et plénitude d’une harmonie et d’une liberté finalement retrouvées au-delà d’une société dont on sent, en filigrane, les angoisses contemporaines à l’écriture du livre (fin de la Seconde Guerre mondiale encore proche, armement nucléaire…), le récit de Marlen Haushofer, elle-même très éloignée des préoccupations de son personnage principal mais sensible à la place des femmes dans une société dominée par les hommes, constitue une fable écologique féministe qui permet d’interroger de manière originale le genre et son rapport à la nature à travers la littérature. Réécriture du mythe de Robinson Crusoé, ce roman, comme celui de Daniel Defoe, nous invite aussi à réfléchir à des questions essentielles dépassant le cadre du genre : qu’est-ce que l’humanité et existe-t-elle encore dans la solitude ? Quel est le sens de la société humaine disparue ? Un rapport sans hiérarchie au monde animal et végétal s’instaure au fil des pages de ce récit qui met en scène de manière originale une femme d’âge indéfini, en dehors de tout cliché de représentation. C’est l’originalité profonde de cette voix/voie littéraire que nous nous proposons d’étudier dans cet article et à travers ce roman dont l’ennemi final se révèlera être l’homme lui-même.
Citer
Annabel Audureau, « Le Mur invisible [Die Wand] de Marlen Haushofer, une robinsonnade au féminin », dans Pagaille, n° 1, « Marâtre nature. Quand Gaïa contre-attaque », 2021, p. 48 à 55. Url : http://revue-pagaille.fr/2021–1‑audureau/