« Les personnages de l’ombre »(2 | 2022)

Appel à textes

Mais que serait Sher­lock Holmes sans Mrs Hudson ? 

Si les lecteurs de Conan Doyle ont déjà pu se deman­der ce que ferait le célèbre détec­tive sans le doc­teur Wat­son, com­bi­en se sont préoc­cupés de Mrs Hud­son ? Com­bi­en se sont demandé pourquoi Sher­lock Holmes béné­fi­ci­ait d’un loge­ment bon marché chez elle, pourquoi la logeuse s’occupait de lui comme d’un enfant gâté, sup­por­t­ant tous les impor­tuns qui se pressent à la porte de son locataire excen­trique, capricieux, hyper­ac­t­if, drogué, puéril et bruyant ? 

Que nous appren­nent des per­son­nages comme Mrs Hud­son, ces êtres sou­vent invis­i­bles et muets, écrasés par les puis­sances géniales des per­son­nages prin­ci­paux ? Il ne s’agit pas seule­ment de s’intéresser ici aux per­son­nages dits sec­ondaires mais de remon­ter plus loin dans le degré d’insignifiance. Jusqu’à ces petits per­son­nages qui con­stituent plutôt une sorte de toile de fond à l’intrigue, tra­vail­lent dans l’ombre, appa­rais­sent pour dis­paraître aus­sitôt, alors même qu’ils peu­vent par­fois jouer le rôle d’éminences grises. 

Les propo­si­tions d’articles pour­ront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suiv­ants, en adop­tant une per­spec­tive comparatiste : 

  • Per­spec­tives inter­mé­di­ales : les arti­cles visant à s’intéresser à des tableaux, à des films, à des séries, à des ban­des dess­inées, etc. seront les bien­venus. On aura d’ailleurs noté que ces dernières années, se sont mul­ti­pliés des pro­duits cul­turels, romans, films et séries en par­ti­c­uli­er, qui ont juste­ment choisi de met­tre au pre­mier plan celles et ceux qui naguère n’avaient aucune présence scénique ni voix au chapitre (on peut penser à la série Down­ton Abbey ou plus récem­ment au film Par­a­site). Mais ce pas­sage de l’ombre à la lumière est-il pour autant val­orisant ? Par­ticipe-t-il à réin­ven­ter les rap­ports de dom­i­na­tion ou sim­ple­ment à les illus­tr­er voire à les renforcer ?
  • Tra­vailleurs et tra­vailleuses de l’ombre : domes­tiques, mères au foy­er, per­son­nages de l’ombre dans l’espace domes­tique, ces per­son­nages à qui l’on con­fie toute la « charge men­tale » du quo­ti­di­en pen­dant que le sub­lime se déploie dans l’intrigue prin­ci­pale. La lit­téra­ture roman­tique en par­ti­c­uli­er présente un grand nom­bre de génies créa­teurs mas­culins déléguant tout le prosaïque de leur exis­tence à de petites mains, sou­vent féminines (les soeurs de Joseph Berglinger chez Wack­en­roder, la femme de Gam­bara chez Balzac, etc.)
  • « Lec­tures en con­tre­point » : dans une per­spec­tive cri­tique sur la coloni­sa­tion et l’impérialisme, les arti­cles peu­vent envis­ager les per­son­nages de l’ombre à par­tir de cette notion d’Edward Said, qui pro­pose de « lire les grands chefs‑d’œuvre lit­téraires […] en nous efforçant de met­tre au jour, d’élargir, de faire par­ler ce qui dans ces œuvres est muet, mar­gin­al ou représen­té de façon idéologique » (Said, p. 275).
  • Enfants : quels petits rôles et petites fonc­tions sont con­fiés aux infans, aux muets, et com­ment acquièrent-ils pro­gres­sive­ment une parole pro­pre et une place de plus en plus cen­trale dans la lit­téra­ture, notam­ment après la démoc­ra­ti­sa­tion de l’enseignement dans la sec­onde moitié du XIXe siècle?
  • Types et arché­types : quelles sont les lim­ites de ces approches pour les per­son­nages de l’ombre ? Aus­si bien dans le théâtre que dans le roman, com­ment peut-on apporter un nou­v­el éclairage sur des rôles d’adjuvants qui ne sont habituelle­ment envis­agés que comme des types (par exem­ple, Fro­sine dans L’Avare) ?
  • Paralittérature/« sous-gen­res » : s’il met­tent en lumière de nom­breux per­son­nages de l’ombre, le roman polici­er, le film noir et les romans et films d’horreur fonc­tion­nent aus­si sur tout un ensem­ble de per­son­nages qui auraient pour seule fonc­tion de par­ticiper à la mise en place d’une atmo­sphère anx­iogène mais sont pour­tant essen­tiels à l’intrigue et/ou por­teurs d’une sym­bol­ique forte (le sans-abri dans Mul­hol­land Dri­ve, par exemple).
  • Ani­mal stud­ies : des arti­cles visant à s’intéresser à la présence et au rôle joué par des ani­maux auront toute leur place dans cette réflex­ion — le chien Toby n’est-il pas celui qui résout finale­ment l’énigme du Signe des qua­tre à la place de Sher­lock Holmes ?

Modal­ités de soumission :

  • Les propo­si­tions d’articles, de 500 mots max­i­mum, accom­pa­g­nées d’une bio-bib­li­ogra­phie et de 5 mots-clés, sont à envoy­er avant le 18 juin 2021 à l’adresse mail suiv­ante : revue.pagaille@gmail.com.
  • Les noti­fi­ca­tions aux auteurs seront envoyées à par­tir de la fin du mois de juil­let 2021.
  • L’article (de 30 000 à 40 000 signes espaces com­pris) sera à envoy­er avant le 31 octo­bre 2021 pour éval­u­a­tion en dou­ble aveu­gle par le comité scientifique.
  • La pub­li­ca­tion du numéro est prévue en juin 2022 sur le site de la revue : http://revue-pagaille.fr.

Comité de rédaction

Manon Aman­dio, Uni­ver­sité Cler­mont Auvergne

Julie Brugi­er, Uni­ver­sité Paris Nanterre

Hélène Dubail, Uni­ver­sité Paris Nanterre

Aman­dine Lebar­bi­er, Uni­ver­sité Paris Nanterre

Comité sci­en­tifique

Rémi Astruc, CY Cer­gy Paris Université

Émi­lie Dar­d­enne, Uni­ver­sité Rennes 2

Isabelle Dau­nais, McGill University

Maxime Decout, Uni­ver­sité Aix-Marseille

Philippe Hamon, Uni­ver­sité Sor­bonne Nouvelle

Car­o­line Jul­liot, Le Mans Université

Jean-Yves Mas­son, Uni­ver­sité Paris Sorbonne

Stéphane Pouyaud, Uni­ver­sité de Rouen 

Frédéric Sounac, Uni­ver­sité Toulouse Jean Jaurès

Vir­ginie Tel­li­er, CY Cer­gy Paris Université

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

ASTRUC, Rémi, « Fonc­tion­nement de la “fig­ure” comme per­son­nage arché­typ­ique du roman mod­erne », Cahiers de Psy­cholo­gie Poli­tique, (0). URL: https://doi.org/10.34745/numerev_657.

BAYARD, Pierre, Qui a tué Roger Ack­royd ?, Paris, Édi­tions de Minu­it, 1998.

DARDENNE, Émi­lie, Intro­duc­tion aux études ani­males, Paris, PUF, 2020.

DAUNAIS, Isabelle, « Le per­son­nage sec­ondaire comme mod­èle : réflex­ions sur un déplace­ment », Fab­u­la / Les col­lo­ques, « Le per­son­nage, un mod­èle à vivre », URLhttps://www.fabula.org/colloques/document5080.php#bodyftn12.

DE CHARENTENAY, Alice, Péril en la demeure : la ser­vante dans le roman français de 1850 à 1900, sous la direc­tion de Françoise Mélo­nio, thèse soutenue publique­ment le 9 jan­vi­er 2018 à l’Université Paris-Sorbonne.

GARNIER, Xavier, L’É­clat de la fig­ure : étude sur l’antipersonnage de roman, Bern, Peter Lang, 2002.

DECOUT, Maxime, Éloge du mau­vais lecteur, Paris, Édi­tions de Minu­it, 2021.

DECOUT Maxime, Pou­voirs de l’imposture, Paris, Édi­tions de Minu­it, 2018.

HAMON, Philippe, Le Per­son­nel du roman : le sys­tème des per­son­nages dans les Rougon-Mac­quart d’Emile Zola, Paris, Droz, 1983.

INTERCRIPOL : http://intercripol.org/fr/index.html

JOUVE, Vin­cent, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Press­es Uni­ver­si­taires de France, 1998.

LAVOCAT, Françoise, « L’é­tude des pop­u­la­tions fic­tives comme objet et le “style démo­graphique” comme nou­veau con­cept », ate­lier de théorie lit­téraire, Fab­u­la, sep­tem­bre 2020. Disponible en ligne sur : https://www.fabula.org/atelier.php?Populations_fictives.

MONTALBETTI, Chris­tine, Le Per­son­nage, Paris, Flam­mar­i­on, 2002.

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SAMOYAULT, Tiphaine, « La ban­lieue du roman: l’e­space du per­son­nage sec­ondaire »,  Fabula/Atelier, « Ban­lieues de la théorie », URLhttps://www.fabula.org/atelier.php?Espace_du_personnage_secondaire.

VELITCHKO, Inga,  « Les per­son­nages ani­maux dans la lit­téra­ture ‑ Esquisse de typolo­gie et de fonc­tions », Fab­u­la / Les col­lo­ques, « La parole aux ani­maux. Con­di­tions d’extension de l’énonciation », URLhttps://www.fabula.org/colloques/document5396.php#bibliographie

VINCENT-ARNAUD Nathalie et SOUNAC, Frédéric (dir.),  L’accordeur de piano dans la lit­téra­ture et au ciné­ma, Édi­tions uni­ver­si­taires de Dijon, 2019.