Tatiana Horbaczewski, « Le tendre goût du souvenir. Quêtes gustatives et identitaires au cinéma » (n° 4 | 2024)

Cet arti­cle abor­de une cer­taine représen­ta­tion ciné­matographique de l’expérience gus­ta­tive, soulig­nant la capac­ité de cette dernière à réveiller des sou­venirs. L’analyse d’un cor­pus filmique très éclec­tique (aus­si bien spa­tiale­ment que tem­porelle­ment) per­me­t­tra de décel­er trois grandes fonc­tions de ces épisodes de remé­mora­tion, cha­cun par­tic­i­pant à un ren­force­ment du sen­ti­ment d’identité chez le mangeur. Par des moyens qui lui sont pro­pres, le ciné­ma mon­tre com­ment, en mangeant et donc, dans ces cas pré­cis, en se sou­venant, le per­son­nage, envahi par la nos­tal­gie, se recon­necte à ses valeurs pro­fondes enfouies ; en errance iden­ti­taire, évite la perte du moi présent en s’accrochant à des habi­tudes révolues ; ou au gouf­fre du dés­espoir le plus total, voire de la mort, parvient à percevoir l’espoir d’un devenir. L’acte de manger, dans les films analysés, n’est pas réduit à une fonc­tion biologique et vitale. Il per­met au mangeur de vivre un voy­age tem­porel intérieur, voire ini­ti­a­tique, en recon­nec­tant ce qu’il était hier, ce qu’il est aujourd’hui et ce qu’il sera pos­si­ble­ment demain. L’analyse diégé­tique se dou­ble d’une analyse esthé­tique, inter­ro­geant d’un point de vue phénoménologique com­ment l’image, lorsque se mêlent gus­ta­tion et mémoire à l’écran, est vécue cor­porelle­ment et sen­sorielle­ment – et non plus seule­ment perçue audio-visuelle­ment –, par le spec­ta­teur de cinéma.

This arti­cle dis­cuss­es a cer­tain cin­e­mato­graph­ic rep­re­sen­ta­tion of the taste expe­ri­ence, high­light­ing its abil­i­ty to awak­en mem­o­ries. The analy­sis of a very eclec­tic film cor­pus (both spa­tial­ly and tem­po­ral­ly) reveals three main func­tions of these episodes of rec­ol­lec­tion, each one con­tribut­ing to strength­en­ing of the eater’s sense of iden­ti­ty. By its own means, cin­e­ma shows how, by eat­ing and there­fore, in these spe­cif­ic cas­es, remem­ber­ing, the char­ac­ter, invad­ed by nos­tal­gia, recon­nects to its deep buried val­ues; in a wan­der­ing iden­ti­ty, avoids the loss of the present self by cling­ing to past habits; or to the abyss of utter despair, even death, man­ages to per­ceive the hope of a future. The act of eat­ing, in the films ana­lyzed, is not reduced to a bio­log­i­cal and vital func­tion. It allows the eater to live an inner time jour­ney, even ini­tia­to­ry, by recon­nect­ing what he was yes­ter­day, what he is today and what he will pos­si­bly be tomor­row. The diegetic analy­sis is cou­pled with an aes­thet­ic analy­sis, exam­in­ing from a phe­nom­e­no­log­i­cal point of view how the image, when gus­ta­tion and mem­o­ry min­gle on the screen, is expe­ri­enced bod­i­ly and sen­so­ri­al­ly – and not just per­ceived audio-visu­al­ly – by the cin­e­ma spec­ta­tor.

Tatiana Hor­baczews­ki, « Le ten­dre goût du sou­venir. Quêtes gus­ta­tives et iden­ti­taires au ciné­ma », dans Pagaille, n°4, « À la table des émo­tions: manger dans la lit­téra­ture et les arts », 2025, p. 65–72. Url : https://revue-pagaille.fr/2025–4‑horbaczewski/