Résumé/Abstract
De nombreux auteurs dramatiques mettent en scène des aliments ou des épisodes alimentaires pour éclairer le caractère socialement construit des émotions que nous tenons, parfois à tort, pour nôtres. Combinant les symboles, construisant des homologies, faisant coopérer les formes artistiques, mettant en exergue des épisodes de crise bruts, ou invitant le public à prendre physiquement part au spectacle, ils expriment l’importance structurelle qu’ils accordent à cette question en l’inscrivant dans la forme de leurs pièces. Sur scène, l’élément alimentaire a la capacité d’idéaliser des éléments concrets pour les transformer en concepts et en métaphores. Mais il peut tout autant matérialiser des informations ou des notions abstraites. Cette plasticité permet aux auteurs de construire des démonstrations explicites ou poétiques, tout comme de toucher le spectateur de manière viscérale et concrète. Dans tous les cas, leurs mises en scène alimentaires suscitent un investissement énergétique qui « émeut » au sens étymologique du terme : qui met en mouvement. Par elles, le spectateur est toujours amené à venir participer au spectacle. Il ne s’agit ici ni d’opposer ni de hiérarchiser les différentes stratégies dramaturgiques présentées, mais de montrer, à travers elles, l’étendue du pouvoir opératif de l’aliment utilisé au théâtre.
Many playwrights use food or food episodes to shed light on the socially constructed nature of the emotions we sometimes wrongly take for granted. By combining symbols, constructing homologies, bringing artistic forms together, highlighting raw episodes of crisis, or inviting the audience to physically take part in the performance, they express the structural importance they attach to this issue by inscribing it in the form of their plays. On stage, the element of food has the capacity to idealise concrete elements and transform them into concepts and metaphors. But it can also materialise abstract information or notions. This plasticity enables the authors to construct explicit or poetic demonstrations, as well as touching the viewer in a visceral and concrete way. In all cases, their food stagings generate an energetic investment that ‘moves’ in the etymological sense of the word. The spectator is always invited to take part in the show. The aim here is neither to oppose nor to rank the different dramaturgical strategies presented, but to show, through them, the extent of the operative power of food used in theatre.
Citer
Agathe Torti Alcayaga, « Les émotions socialisées au prisme des mises en scène alimentaires », dans Pagaille, n°4, « À la table des émotions: manger dans la littérature et les arts », 2025, p. 130–137. Url : https://revue-pagaille.fr/2025–4‑torti alcayaga/