Aurel Rotival, « Un lait (plus ou moins) blanc : blanchité et masculinité dans le cinéma et les séries états-uniennes » (n° 4 | 2025)

Résumé/Abstract

Flu­ide biologique et marchan­dise uni­verselle, cul­turelle­ment mal­léable et lié aux avan­tages économiques de l’exploitation agri­cole et de l’expansion colo­niale, le lait s’est trou­vé au cœur de dis­posi­tifs, d’idéologies et de dis­cours relat­ifs à la déf­i­ni­tion, à l’hybridation ou à la pré­ten­due supéri­or­ité des iden­tités nationales et raciales. Aux États-Unis en par­ti­c­uli­er, le liq­uide à la blancheur immac­ulée a sym­bol­ique­ment et légale­ment accom­pa­g­né les angoiss­es liées à l’immigration étrangère et le développe­ment d’une iden­tité améri­caine essen­tielle­ment fondée sur la blan­chité. Cet arti­cle analyse un cor­pus d’œuvres audio­vi­suelles états-uni­ennes où des images de lait appa­rais­sent au moment d’interroger la vis­i­bil­ité, la déf­i­ni­tion ou la sub­ver­sion de l’identité blanche, conçue comme une norme raciale qui tire pour­tant son pou­voir de son invis­i­bil­ité. Les crit­i­cal white stud­ies ont appelé à une sub­ver­sion de la nor­ma­tiv­ité et de l’invisibilité blanch­es, en rap­pelant notam­ment le car­ac­tère arbi­traire, con­tin­gent et hétérogène d’une telle caté­gorie. Or, la con­som­ma­tion de lait inter­vient, de manière éton­nam­ment récur­rente, dans de nom­breux films et plusieurs séries télévisées où se négo­cient pré­cisé­ment de telles prob­lé­ma­tiques. Aus­si représente-t-il l’aliment idéal pour penser, de manière inter­sec­tion­nelle, les proces­sus d’unification et de divi­sion entre genre, sexe, race et classe qu’il vient illus­tr­er au ciné­ma et dans les séries télévisées.


A bio­log­i­cal flu­id and uni­ver­sal com­mod­i­ty, cul­tur­al­ly mal­leable and linked to the eco­nom­ic ben­e­fits of agri­cul­tur­al exploita­tion and colo­nial expan­sion, milk has found itself at the heart of devices, ide­olo­gies and dis­cours­es per­tain­ing to the def­i­n­i­tion, hybridiza­tion or alleged supe­ri­or­i­ty of nation­al and racial iden­ti­ties. Par­tic­u­lar­ly in the Unit­ed States, the immac­u­late white­ness of this liq­uid has sym­bol­i­cal­ly and legal­ly accom­pa­nied anx­i­eties linked to for­eign immi­gra­tion and the devel­op­ment of an Amer­i­can iden­ti­ty essen­tial­ly based on white­ness. This arti­cle ana­lyzes a cor­pus of Amer­i­can audio­vi­su­al works in which images of milk appear when ques­tion­ing the vis­i­bil­i­ty, def­i­n­i­tion or sub­ver­sion of white iden­ti­ty, con­ceived as a racial norm that nonethe­less derives its pow­er from its invis­i­bil­i­ty. Crit­i­cal white stud­ies have called for a sub­ver­sion of white nor­ma­tiv­i­ty and invis­i­bil­i­ty, high­light­ing the arbi­trary, con­tin­gent and het­ero­ge­neous nature of such a cat­e­go­ry. Yet the con­sump­tion of milk is a sur­pris­ing­ly recur­rent fea­ture of many movies and TV shows where such issues are nego­ti­at­ed. As such, it rep­re­sents the ide­al com­mod­i­ty for think­ing inter­sec­tion­al­ly about the process­es of uni­fi­ca­tion and divi­sion between gen­der, sex, race and class that it illus­trates in films and TV series.
Citer
Aurel Roti­val, « Un lait (plus ou moins) blanc : blan­chité et mas­culin­ité dans le ciné­ma et les séries états-uni­ennes », dans Pagaille, n°4, « À la table des émo­tions: manger dans la lit­téra­ture et les arts », 2025, p. 96–109. Url : https://revue-pagaille.fr/2025–4‑rotival/

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