Résumé/Abstract
La naissance des premiers romantismes allemand et anglais s’accompagne d’une aspiration au mythe. Celui-ci apparaît dans le sens de processus poétique plus que de récit eschatologique. Dans ce contexte, Novalis donne une voix poétique au mythe de l’Âge d’or qui s’incarne chez lui dans la figure de l’enfant. Les romantiques anglais Coleridge et Wordworth font également vivre le mythe de l’enfance comme Âge d’or dans certaines de leurs poésies. Contrairement à Ésope qui situe le mythe dans un illo tempore sans attache au temps historique, les trois poètes lui attribuent, dans la figure de l’enfant, un sens spécifique, susceptible de se réaliser dans l’histoire. Ainsi le mythe est-il revivifié par leurs imaginaires mythiques. Pour Novalis, le mythe de l’enfant, suscitant la nostalgie profonde d’un Âge d’or à retrouver, fait partie de la réalisation poétique (Heinrich von Ofterdingen (1802), Hymnen an die Nacht (1800)). La restitution de l’Âge d’or à travers la figure de l’enfant apparaît dans certains poèmes de Coleridge : Sonnet to the River Otter (1793), Frost at Midnight (1798) et The Garden of Boccaccio (1828). N’oublions pas que selon Coleridge, la forme linéaire est liée à la vie, tandis que le cyclique est celle du poétique. Quant à Wordworth, la vision poétique de l’enfance est illustrée par deux poèmes des Lyrical Ballads (1798), Lucy Gray et The Idiot Boy : l’enfant y apparaît comme la représentation même du poétique, sa réalisation idéale ; elle est l’ordre de l’aspiration à ce qui a disparu, qui fait partie de l’invisible vers lequel le poète se tourne. Chez les trois poètes, le temps de la poésie se réalise dans le temps cyclique où le temps linéaire est dépassé.
The Golden Age and the myth of childhood: passage from a linear time to a cyclical time as the seal of poetry
The birth of the first German and English romanticism is associated with an aspiration to the myth. This appears in the sense of a poetic process rather than an eschatological story. In this context, Novalis gives a poetic voice to the myth of the Golden Age which is embodied for him in the figure of the child. The English romantics Coleridge and Wordworth also bring to life the myth of childhood, as a Golden Age, in some of their poems. Unlike Aesop who places the myth in an illo tempore without any relation to historical time, the three poets attribute to it, in the figure of the child, a specific meaning, capable of being achieved in history. Thus the myth is revived through their poetical imaginations. For Novalis, the myth of the child, arousing a longing for a Golden Age to be rediscovered, is part of poetic accomplishment (Heinrich von Ofterdingen (1802), Hymnen an die Nacht (1800)). The restitution of the Golden Age through the figure of the child appears in certain poems by Coleridge : Sonnet to the River Otter (1793), Frost at Midnight (1798) et The Garden of Boccaccio (1828). Let’s not forget that, according to Coleridge, the linear form is linked with life, whereas the cyclical form is that of poetry. As for Wordworth, the poetical vision of childhood is illustrated by two poems of Lyrical Ballads (1798), Lucy Gray et The Idiot Boy. The child appears there as the representation of the poetic, its ideal achievement : a yearning for what has disappeared, the invisible to which the poet turns. In the three poets, the time of poetry is fulfilled through cyclical time, where the linear time is surpassed.
Citer
Vera Gandelman-Terekhov, « L’âge d’or et le mythe de l’enfance: passage d’un temps linéaire à un temps cyclique comme sceau de la poésie », dans Pagaille, n°3, « Rétrotopies ou l’idéalisation du passé », 2024, p.39–50. Url : https://revue-pagaille.fr/2024–3‑gandelman-terekhov/