Vera Gandelman-Terekhov, « L’âge d’or et le mythe de l’enfance: passage d’un temps linéaire à un temps cyclique comme sceau de la poésie » (n° 3 | 2024)

Résumé/Abstract

La nais­sance des pre­miers roman­tismes alle­mand et anglais s’accompagne d’une aspi­ra­tion au mythe. Celui-ci appa­raît dans le sens de proces­sus poé­tique plus que de réc­it escha­tologique. Dans ce con­texte, Novalis donne une voix poé­tique au mythe de l’Âge d’or qui s’incarne chez lui dans la fig­ure de l’enfant. Les roman­tiques anglais Coleridge et Word­worth font égale­ment vivre le mythe de l’enfance comme Âge d’or dans cer­taines de leurs poésies. Con­traire­ment à Ésope qui situe le mythe dans un illo tem­pore sans attache au temps his­torique, les trois poètes lui attribuent, dans la fig­ure de l’enfant, un sens spé­ci­fique, sus­cep­ti­ble de se réalis­er dans l’histoire. Ain­si le mythe est-il reviv­i­fié par leurs imag­i­naires mythiques. Pour Novalis, le mythe de l’enfant, sus­ci­tant la nos­tal­gie pro­fonde d’un Âge d’or à retrou­ver, fait par­tie de la réal­i­sa­tion poé­tique (Hein­rich von Ofter­din­gen (1802), Hym­nen an die Nacht (1800)). La resti­tu­tion de l’Âge d’or à tra­vers la fig­ure de l’enfant appa­raît dans cer­tains poèmes de Coleridge : Son­net to the Riv­er Otter (1793), Frost at Mid­night (1798) et The Gar­den of Boc­cac­cio (1828). N’oublions pas que selon Coleridge, la forme linéaire est liée à la vie, tan­dis que le cyclique est celle du poé­tique. Quant à Word­worth, la vision poé­tique de l’enfance est illus­trée par deux poèmes des Lyri­cal Bal­lads (1798), Lucy Gray et The Idiot Boy : l’enfant y appa­raît comme la représen­ta­tion même du poé­tique, sa réal­i­sa­tion idéale ; elle est l’ordre de l’aspiration à ce qui a dis­paru, qui fait par­tie de l’invisible vers lequel le poète se tourne. Chez les trois poètes, le temps de la poésie se réalise dans le temps cyclique où le temps linéaire est dépassé.


The Gold­en Age and the myth of child­hood: pas­sage from a lin­ear time to a cycli­cal time as the seal of poetry
The birth of the first Ger­man and Eng­lish roman­ti­cism is asso­ci­at­ed with an aspi­ra­tion to the myth. This appears in the sense of a poet­ic process rather than an escha­to­log­i­cal sto­ry. In this con­text, Novalis gives a poet­ic voice to the myth of the Gold­en Age which is embod­ied for him in the fig­ure of the child. The Eng­lish roman­tics Coleridge and Word­worth also bring to life the myth of child­hood, as a Gold­en Age, in some of their poems. Unlike Aesop who places the myth in an illo tem­pore with­out any rela­tion to his­tor­i­cal time, the three poets attribute to it, in the fig­ure of the child, a spe­cif­ic mean­ing, capa­ble of being achieved in his­to­ry. Thus the myth is revived through their poet­i­cal imag­i­na­tions. For Novalis, the myth of the child, arous­ing a long­ing for a Gold­en Age to be redis­cov­ered, is part of poet­ic accom­plish­ment (Hein­rich von Ofter­din­gen (1802), Hym­nen an die Nacht (1800)). The resti­tu­tion of the Gold­en Age through the fig­ure of the child appears in cer­tain poems by Coleridge : Son­net to the Riv­er Otter (1793), Frost at Mid­night (1798) et The Gar­den of Boc­cac­cio (1828). Let’s not for­get that, accord­ing to Coleridge, the lin­ear form is linked with life, where­as the cycli­cal form is that of poet­ry. As for Word­worth, the poet­i­cal vision of child­hood is illus­trat­ed by two poems of Lyri­cal Bal­lads (1798), Lucy Gray et The Idiot Boy. The child appears there as the rep­re­sen­ta­tion of the poet­ic, its ide­al achieve­ment : a yearn­ing for what has dis­ap­peared, the invis­i­ble to which the poet turns. In the three poets, the time of poet­ry is ful­filled through cycli­cal time, where the lin­ear time is sur­passed.
Citer
Vera Gan­del­man-Terekhov, « L’âge d’or et le mythe de l’en­fance: pas­sage d’un temps linéaire à un temps cyclique comme sceau de la poésie », dans Pagaille, n°3, « Rétro­topies ou l’idéal­i­sa­tion du passé », 2024, p.39–50. Url : https://revue-pagaille.fr/2024–3‑gandelman-terekhov/

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